Le 25 juillet 1978, est le jour du grand départ pour Pékin. Toute ma famille est venue pour saluer mon voyage invraisemblable, à l’ancienne gare du Nord de Shanghai. Ce jour-là il y a du monde, beaucoup sont ceux qui viennent pour donner des accolades à des amis. Équipé d’un sac de voyage de marque Peuple, j’avance lourdement, l’air pensif. Ma mère me dit : tu vas être tout seul. Fais attention à toi, écrit-nous des lettres (cela prend au moins 2 semaines) et essaie de faire le mieux possible comme avant. Je le retiens pour toujours.. Quand le train démarre, mes parents ne peuvent cacher des larmes aux yeux, cela me fait de la peine, et mes yeux se mouillent aussi sans que je ne le sache. Par la fenêtre, je donne un dernier salut. C’est la première fois que leur fils quitte la famille, ils sont fiers de mes succès ou plutôt de ma promotion. Je suis très émotif à la pensée que je serai demain à Pékin, un mousquet du pèlerinage politique chinois. C'est-à-dire un haut lieu promettant.
Tout d’un coup, dans ma tête une chanson d’enfance me hante, le refrain me revient, ce que j’ai appris à l’école secondaire: j’aime Tiananmen à Pékin le soleil monte à Tiananmen, notre grand dirigeant le président Mao nous guide dans la marche en avant…
Le trajet semble long et monotone, à l’exception du monde qui va et vient. Le tout a duré 19 heures. À l’époque, je n’ai pas de privilège de me permettre du luxe de la couchette. M’asseyant sur banc dur, 3 passagers côte-à-côte, c’est pas évident. Je me souviens que chaque fois que le train arrive à une ville le haut parleur annonce le nom et un bref aperçu. Je suis descendu rapidement pour acheter quelques spécialités locales ou tout simplement pour me relaxer un peu, car je suis las d’être assis comme ça. Il y a beaucoup de va et vient le long du trajet, ceux qui sont montés à mi chemin, sont debout, ils essayent de trouver un recoin pour faire une sieste avec des moyens du bord. De temps en temps, les sacs ou colis qu’ils transportent avec un bâton de bambou me basculent et me réveillent, on se donne un sourire qui veut dire pardonnez-moi. Je me considère chanceux sur le banc. C’est la première fois que je rencontre tant de voyageurs de toutes sortes y compris des petits commerçants mobiles, des paysans, des ouvriers qui finissent leur 8, des étudiants, des représentants de ventes. Avec Li avec qui je voyage ensemble, on jase pour tuer le temps qui semble à n’en plus finir. C’est mon premier voyage hors Shanghai, ma ville natale.
Après des heures et heures, vers 10 AM du 16 juillet 1978, le train arrive finalement à Pékin, la capitale chinoise. Je regarde de par la fenêtre coulissante l’extérieur de la ville, et ce avec toute curiosité de ma vie. Pékin est sacré à mes yeux. Y aller un jour est le rêve de mon enfance comme tous les enfants de mon âge. Le président Mao a vecu là-bas. Que je suis à mon comble, je suis ici aujourd’hui.
En sortant de la gare qui est beaucoup plus laide par rapport à celle de Shanghai, mais elle n’est pas moins organisée. Ce qui me frappe aux yeux, c’est de constater des taxis chevaux, qui trainent une espèce de pick up sous le fouet du conducteur. Pour être plus sûr, on prend un taxi qui se dirige pêle-mêle de la cohue humaine vers l’institut des langues de Pékin où il y une station d’accueil qui nous attend. Quand le taxi passe la grande place T, une émotion sans nom m’envahit, quelle chance de me trouver en personne sur la grande place, je m’aperçois qu’il y une longue queue d’attente des gens pour se faire photographier, la plupart d’entre eux portent la chemisette blanche. Moi je focalise mes grand yeux au centre afin d’identifier la place de la tribune où le président Mao a salué de sa main magique les gardes rouges en 1966, un cliché historique de la Chine Moderne. Or le taxi passe rapidement à un tel point que je ne peux pas contempler longtemps, je me dis : je vais revenir ici à visiter la Place,et cela va sans dire. |